« Oh et puis ça va, hein ! Tu veux toujours avoir raison…
—Mais c’est parce que J’AI raison, ma chère ! C’est l’évidence même. Ils sont tous droitiers dans cette famille, je ne vois pas pourquoi le petit dernier serait gaucher…
—Et alors, c’est pas parce qu’il y a des générations d’imbéciles dans une famille qu’il faut que le benjamin en soit aussi un ! C’est quand même inouï cette logique !
—Rôôôhhhh mais c’est pas pareil, tu compares des choses incomparables. C’est pas une tare d’être droitier, non ?
—Non mais bon… il aurait bien pu être gaucher celui-ci… Tu aurais bien pu me faire ce plaisir… Sinon j’ai l’impression d’être inutile, moi !
—Inutile ? Mais non voyons ! Quand j’écrirai, tu tiendras la feuille. Et puis il faut deux mains pour pouvoir faire des lacets, deux mains pour accrocher puis remonter une fermeture éclair de blouson, deux mains pour taper sur un clavier d’ordinateur… Ma pauvre, tu ne te rends pas compte de ton utilité je crois !
—Oui, c’est vrai mais ce sont des seconds rôles…
—Ne sais-tu pas que les seconds rôles sont aussi importants que les premiers ?
—Mouais… à toi l’agilité, la force, la dextérité. A moi la maladresse, la faiblesse et l’à peu près… A chaque fois que ce gosse laissera tomber quelque chose par terre je sais bien que ce sera de ma faute. On dira « Que cet enfant est gauche ! » Et ce sera toujours toi qui auras le privilège de faire les choses intéressantes… tenir le stylo, la fourchette, le couteau, la raquette, passer les vitesses…
—Ah ben pour les vitesses, même s’il était gaucher, je le ferai quand même, je te signale qu’on est en France et qu’on roule à droite…
—Pfffff… encore une discrimination, tiens ! C’est pas drôle, les droitiers sont majoritaires dans ce pays, tout est fait pour eux et c’est tout juste si on commence à tenir compte des gauchers et à créer des outils adaptés pour nous, les mains gauches. Dis-moi donc un peu depuis quand est-ce que les ciseaux pour gauchers existent ? Hum ? C’est comme le droit de vote pour les femmes, ça…
—Hein ? Je vois pas le rapport ! Tu mélanges tout ma pauvre amie, tu dis n’importe quoi ! Nous ne sommes que les deux mains d’un gamin de cinq ans qui va devoir bientôt choisir sa latéralisation et la génétique veut que…
—La génétique, la génétique ! Non mais tu me fais marrer avec ta génétique ! Je te parle de droits, moi, de droits, tu m’entends espèce de gourde ?
—Oh ! Gourde toi-même ! Non mais dis donc, tu te prends pour qui pour me parler sur ce ton ? Je te dis que cet enfant sera droitier, comme son père et sa mère et il sera droitier, un point c’est tout !
—Et moi je veux qu’il soit gaucher et je me laisserai pas faire, c’est pas toi qui commande !
—SILENCE VOUS DEUX !!!!! Vous vous croyez où ? On entend que vous, vous n’allez pas arrêter de vous chamailler comme des chiffonniers ? Et puis ce ne sera pas vous qui choisirez, ce sera moi.
—Quoi ! Et qui tu es d’abord pour te mêler de nos affaires ?
—Ouais, c’est vrai, tu es qui toi ?
—Je suis le cerveau et c’est moi qui décide, vous n’êtes que des instruments, mes belles demoiselles ! A cause de vous cet enfant hésite depuis des mois entre ses deux mains. Alors je trancherai et vous vous inclinerez. Ne dit-on pas que la raison du plus fort est toujours la meilleure ? Et ici, le plus fort, c’est MOI !
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