J'écris. Pour un blog littéraire, il vaut mieux. J'écris de tout, pour les jeunes, les moins jeunes, des nouvelles, du théâtre, de l'humour et mes humeurs. La liste des courses, alors que d'autres dressent la liste de leurs envies... Mais je vous l'épargnerai ! La liste des courses, je veux dire. Donc, bonjour et bienvenue sur "Ah, vous écrivez ?" mon blog littéraire.
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vendredi 4 mai 2012

Un vieux canapé


Affalé sur le vieux canapé qui trône désormais dans mon bureau, je sens les ressorts triturer le bas de mon dos. Avachi, son tissu bleu indigo délavé, il ne ressemble plus à rien mais on l’a gardé. Quand on prend de l’âge, on devient bête, on fait du sentiment pour des vieilleries. Mon bureau n’avait pas vraiment besoin d’un canapé, je n’y reçois pas de clients. Heureusement pour eux, s’ils avaient dû supporter son inconfort !
Mais Claire avait insisté, il lui rappelle tant de bons souvenirs ! Il est vrai qu’il en a connu des aventures, le vieux sofa !
 Il avait été notre premier « vrai » meuble à nous, celui que nous avions acquis grâce à notre première paie. Le reste des pièces avaient été meublées par belle-maman et la débauche de vert, de jaune et d’orangé qu’elle avait imposé dans le salon nous avait incités à choisir une couleur plus neutre. La première chose qu’elle trouva à dire fut : « Il jure avec le reste, ce divan ! » Eh oui, belle-maman, c’est fait exprès ! Je me souviens avoir répondu : « Et encore, je préférais le violet, c’est Claire qui n’a pas voulu. » Le comble du mauvais goût fut atteint le jour de la pendaison de crémaillère, lorsque Franck, mon meilleur ami, arriva les bras chargés de coussins rouge vif, pour, affirma-t-il, « égayer un peu ton canapé ». Un irrésistible fou rire nous avait secoués, ma femme et moi, amplifié par l’air ahuri du pauvre Franck qui demandait sans cesse : « Ben quoi, qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce que j’ai fait ? »  On a disposé les coussins et ça faisait très bien ! Et puis c’était confortable, douillet. Lovés ensemble devant nos séries télé préférées ou enlacés pour des ébats amoureux, le canapé et ses petits oreillers moelleux nous accueillait toujours avec générosité. Il eut à affronter les apéros renversés, les chips écrasées, les griffes du chien puis, plus tard, les régurgitations enfantines, les menottes poisseuses, les pipis involontaires de l’apprentissage de la propreté. Plus tard encore, les gueules de bois adolescentes et les bulles de champagne  des soirs de diplôme… Et puis un jour, fatigué, il a été relégué dans ce bureau par un remplaçant en cuir beige. On ne prend plus guère d’apéro, le chien est mort et les enfants partis vivre leur vie ailleurs.
De temps en temps, lorsque la nostalgie m’étreint, je m’y assois et je laisse mes souvenirs remonter à la mémoire, tout doucement… Que reste-t-il de cette époque ? Plus grand-chose. La vie a fui et à l’image de ce vieux meuble, les êtres se sont avachis, étiolés. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi ? Et pourquoi garder ce témoin vivant de notre déchéance ? C’est Claire qui, une fois de plus, a choisi le nouveau canapé. Qui a décidé de garder l’autre, de me le refiler… Comme jadis sa mère, elle a meublé le studio de notre fils, s’apprête à faire de même pour notre fille. Elle a aussi tout redécoré chez nous. Je n’ai rien choisi. Jamais.  Même la couleur du vieux canapé, c’était déjà Claire. Les ressorts agressifs me meurtrissent les reins. Et soudain il me prend des envies de tout bazarder, le canapé épuisé, ma vie trop vite enfuie, Claire et ses décisions… Moi, du ressort j’en ai encore un peu, c’est maintenant ou jamais et en premier lieu, remettre la main sur le planning de passage des encombrants…

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