J'écris. Pour un blog littéraire, il vaut mieux. J'écris de tout, pour les jeunes, les moins jeunes, des nouvelles, du théâtre, de l'humour et mes humeurs. La liste des courses, alors que d'autres dressent la liste de leurs envies... Mais je vous l'épargnerai ! La liste des courses, je veux dire. Donc, bonjour et bienvenue sur "Ah, vous écrivez ?" mon blog littéraire.
Bonne lecture et n'hésitez pas à laisser vos commentaires, sincères mais courtois !

lundi 16 décembre 2013

Mourir en paix



A la terrasse d’un bistrot, deux amis assis discutent autour d’un café. L’un des deux tient une feuille de papier à la main. Il lit :

« Ça commence par : « Je cherchais un endroit tranquille où mourir. »
—Et ?
—Et, euh…  c’est l’histoire d’un SDF qui en a marre de la rue. En plus, il a appris que son ex allait se remarier, que ses gosses voulaient plus lui causer. Tu vois, il en a plus rien à cirer de la vie. Seulement, il veut pas mourir n’importe où ni n’importe comment. Alors, il cherche un coin tranquille.
(dubitatif) Mouais… c’est mince, non ? Tu comptes étoffer comment ?                                 
—Mais attend, c’est pas fini !  (il s’anime) Il a un chien et il faut qu’il le fourgue à quelqu’un parce que, il va quand même pas le tuer, le chien ! Alors il cherche aussi une gentille famille qui voudra bien l’adopter.
—Ah ouais c’est vrai, les SDF ont toujours des chiens ! Mais la gentille famille, il va la trouver où ? On va le refouler de partout ton mec !
—Ah mais y a des gens qui sont plus sympa que d’autres ! Imagine qu’il tombe sur des gens ouverts, tolérants, qui le prennent en pitié et…
—Attend, c’est pas crédible ton truc ! Ou alors ton SDF, il faut qu’il passe à la douche avant.
—Ben ouais, c’est ça ! Il va aux bains douches municipaux ! Et puis il passe chez Emmaüs pour récupérer des fringues correctes. Ça se tient, non ?
—Ça se tient, c’est sûr, on peut penser qu’il met toutes les chances de son côté.
—Et oui ! Et il peut mourir en paix.
—Mais il arrive quoi d’autre, dans ton histoire ? Parce que je voudrais pas dire, mais c’est quand même maigre…
—Ben y a toute la quête pour trouver un endroit pour sa mort.
(ironique) La quête ! C’est pas les Chevaliers de la Table Ronde, hein…
—Comment tu veux que je dise ? C’est une quête, quoi ! C’est difficile, je voudrais bien t’y voir ! Par exemple, y a un petit square dans son ancien quartier, et ben il peut pas choisir de mourir là, à cause des gosses qui jouent ! T’imagines si jamais y en a un qui le découvre là sur un banc ou dans un buisson, raide et froid ? Traumatisé, le mioche !
—C’est vrai… mais, pourquoi y a un square pile à cet endroit-là ?
—Ben comme ça ! Parce que je l’ai décidé. C’est moi qui l’écris cette histoire, je décide ce que je veux. 
—Ok, ok ! Je disais ça comme ça mais finalement, ton histoire, elle me passionne pas et le public, si c’est pas passionnant, il reste pas !
—Ouais mais il rencontre un autre SDF qui veut lui piquer sa place dans le hall de la gare. Alors ils se battent et mon SDF, le premier, je veux dire, le héros… tu me suis ? Il le tue !!!
—Hein ? C’est n’importe quoi ! Et tu comptes devenir riche avec une histoire pareille ?
(se fâche un peu) Mais tu m’agaces à la fin ! Tu veux me démolir le moral ou quoi ?
—Non, juste te donner un conseil d’ami. D’ailleurs, tiens fais-le moi lire ton scénar, je te dirai ce qui cloche.
—Euh… c’est que…
—Quoi ? Tu veux pas me le faire lire ? T’as peur que je te le pique ?
(gêné) Ben, c’est pas ça, mais j’ai juste écrit la première phrase « Je cherchais un endroit tranquille où mourir ».
L’autre lui attrape la main et jette un regard éberlué sur la feuille. Ils lèvent tous deux la tête, regard public figé.


Petit bout de nuage



Petit bout de nuage
Goutte d’eau, vent frais, mélancolie…
Tu t’accroches, tu t’attaches
Une larme sur ta joue

Le ciel bleu
Le ciel gris
Je ne sais plus très bien…
Une larme fait mal,
Oh si mal…
Tu pleures, si triste, si beau
Ta photo sur ma vie,
Ta photo me sourit
Même si toi
Tu n’es pas là…
Et je ris des éclats de larmes en cascade.

Petit bout de nuage
Goutte d’eau, vent frais, mélancolie
Tu t’accroches, tu t’attaches
Une larme sur ta joue

En hiver
En été
Je ne me souviens plus…
Ton souffle sur ma joue,
Oh ma joue…
Tu cours, si là, si toi
Ton regard sur les flots,
Ton regard… gris si gris
Même si toi
Tu n’es pas là…
Et je pleure en éclats de larme et de douleur

Petit bout de nuage
Goutte d’eau, vent frais, mélancolie
Tu t’accroches, tu t’attaches
Une larme sur ta joue


Rouge



Elle aime le rouge. Les roses, la colère et la tyrannie, le sang. Elle, c’est ma femme, la Dame de cœur. « Qu’on lui coupe la tête ! » est sa phrase préférée. Elle veut et elle exige et le peuple obtempère, tétanisé. Ses désirs sont des ordres et nul ne s’avise de la contredire, sous peine de mort. Moi ? On ne m’écoute pas, je ne suis que le Roi de trèfle, le pauvre nigaud qui a, un jour de printemps, épousé celle qu’elle n’était pas encore, la dame qui lui a donné son cœur. La douce qui cultivait son jardin et voulait éradiquer les épines des roses. Mais les épines ont gagné et ont éradiqué sa douceur, ne laissant derrière elles que des égratignures. Alors, je joue aux cartes. Je marie les couleurs, je crée des couples avec des doubles, huit de carreau avec huit de cœur, dix de trèfle avec dix de pique. Mais le valet de pique et le valet de trèfle ne s’entendent pas. « Je ne veux pas d’un pouilleux ! » s’exclame ce dernier. Dès lors, le divorce est consommé et celui qui héritera du valet de pique en mariage sera torturé. Impitoyablement. C’est la Dame de cœur qui l’a décidé. Aurais-je dû choisir le Roi de pique comme compagnon ? Mais le pique pique, comme le cœur coupe. Et je saigne. Pas moyen de sortir de ce jeu de cartes ! Assis sur mon trône, je joue nuit et jour, contre moi-même. Elle, elle coupe des têtes. Un jour… un jour peut-être, ce jeu à sens unique cessera et la circulation à double-sens reprendra. Pour l’instant, mon double est prisonnier de ce miroir dans lequel je m’affronte, je me confronte. J’ai décidé de passer de l’autre côté, de le rejoindre enfin. Les éclats luisent sur ma main, sur mon bras, sur tout mon corps meurtri. Rouge. Rouge sang. Comme elle aime. Et qu’on me coupe la tête…