Il pleut. Des rigoles
dégringolent le long de la vitre froide. Les gouttes clapotent sur le toit de
l'appentis. Penchée sur mon clavier, je remanie le chapitre 13 de mon nouveau
roman. L'éditeur veut les corrections pour mardi prochain, je sais à quoi je
vais occuper mon week-end. De toute façon, la météo prévoit encore de la
pluie...
"Derrière
le grand chêne, s'élevait une clôture en bois blanc. Luc grimpa sur les
traverses et observa ce qu'il se passait de l'autre côté."
Entre mes omoplates,
une légère douleur prend place. Trop longtemps assise à travailler, mauvaise
position dirait mon kiné ! Je décide de faire une pause, une tasse de thé me
fera le plus grand bien ! Quelques mouvements pour détendre mon dos, une
poignée de fruits secs, une gorgée du liquide chaud et je retourne à mon
labeur.
"Une
grande table était dressée au milieu du jardin. Deux hommes et une femme, vêtus
de combinaisons argentées, un casque à antennes sur la tête équeutaient des
haricots verts. Luc les fixait avec intérêt. C'est alors que la femme
l'aperçut. Il baissa vivement la tête mais trop tard ! La femme le désigna à
ses compagnons et tous trois se dirigèrent vers la clôture derrière laquelle
l'enfant se cachait."
La pluie claque sur les
volets. C'est bizarre ce bruit, on dirait presque que quelqu'un flagelle le
bois ! Je crois qu'un orage se prépare. Cling,
cling ! Ah, ça ce n'est pas le bruit de la pluie ! Pourvu que le mauvais
temps n'ait pas abimé quelque chose ! Je me lève et vais voir de quoi il
s'agit. Derrière la vitre, la nuit prend place doucement. Clong !!! Je sursaute. Qu'est-ce que c'est que ce truc ? Ça vient
de l'entrée. Le cœur battant je me dirige vers la porte. J'attrape au passage
un parapluie dont je serre fermement le manche. On ne sait jamais, ça peut
toujours servir. Une lueur clignote au dehors. Avant que j'aie pu faire quoi
que ce soit, la porte s'ouvre en grand et une forme immense, encapuchonnée dans
une combinaison blanche surgit dans le hall d'entrée. Des antennes semblent
surgir de son crâne.
"Aaaahhh !"
Je hurle et brandis mon arme improvisée. Voilà que les aliens de mon roman
débarquent chez moi. Mais je sais ce qu'ils vont faire, je les ai créés ! J'ai
donc de l'avance sur eux. Prenant mon courage - et mon parapluie - à deux
mains, je me rue sur l'importun.
"Eh mais ça va pas
? Marion, tu es folle ou quoi ? C'est moi, Jacques !"
Jacques ? Mon Jacques ? Mais... C'est alors que la
forme se redresse et, d'une main, rejette la capuche de sa combinaison en arrière.
Et je vois surgir la tête ébouriffée de mon mari, le visage marbré de traces
noires, les joues dégoulinantes de pluie. Son ciré blanc à oreilles de Mickey a
laissé une grosse flaque d'eau sur le carrelage.
"Jacques ? Mais
qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Tu m'as fait une de ces peurs !
— J'ai crevé juste au
coin de la rue ! La voiture a fait un écart et j'ai heurté le lampadaire en
face, l'ampoule fait du morse maintenant ! J'ai essayé de changer la roue mais
avec toute cette pluie, j'y vois rien du tout, je crois que je vais appeler un
dépanneur."
A ce moment précis, un
grand coup de vent a fait claquer la porte et la lumière s'est éteinte,
plongeant dans le noir tout le quartier. Et comme une houle, un énorme,
irrépressible et irrésistible fou rire m'a secouée des pieds à la tête !
Drôle et efficace. J'ai relu au moins deux fois pour être sûre d'avoir bien compris : "Deux hommes et une femme, vêtus de combinaisons argentées, un casque à antennes sur la tête équeutaient des haricots verts.", tellement c'est décalé !!! Heureusement qu'ils avaient la combinaison argentée sinon ils auraient pu "s'entamer les doigts"...
RépondreSupprimer