Le matin, vers 9h30, des pas alertes résonnent dans l’escalier. Elle arrive, coiffée d’un chapeau noir en lainage, la veste sur un bras, le sac en bandoulière sur l’autre bras. A notre amical bonjour, elle répond par un salut à peine audible, du bout des lèvres. Surtout, n’ajoutez rien ! S’il est trop tard, si par malheur vous avez laissé échapper le banal « ça va ? », alors soyez patient. Car elle va sans nul doute vous égrener en chapelet tous ses malheurs du moment. Prenant un visage de martyre, bouche penchée et yeux au ciel, elle commence par nous dire qu’elle n’a pas dormi de la nuit, qu’elle n’en peut plus. Elle rejoint lourdement son bureau, pas lent et dos voûté, et se laisse choir sur son siège avec un long soupir. Il n’est pas rare que là, un gémissement lui échappe, et qu’elle porte la main à son dos, l’expression du visage soudain douloureuse.
Certains matins, elle n’a plus de voix, et chuchote lorsqu’elle nous parle. Elle annule ses rendez-vous. Et puis, miraculeusement sans doute, lorsque son ami lui téléphone, elle le gratifie d’un « bonjour ! » sonore et bien timbré, avant de chuchoter à nouveau devant notre air surpris.
Quelquefois, elle tousse dès le matin, d’une petite toux sèche qu’elle force jusqu’à la nausée. Elle sourit très rarement, et joue de son teint pâle ; elle crispe sa main sur son estomac lorsqu’elle se déplace, serre les lèvres lorsqu’elle nous croise dans un couloir.
Elle connaît, pour en avoir eu un bon nombre, assure-t-elle, des tas de maladies, leurs symptômes, leurs traitements. Et comme si cela lui donnait un privilège sur nous, elle ne souffre pas la contradiction. Nos petits bobos ne sont rien en comparaison de ses maux. Quelquefois même, les médecins en perdent leur latin : « Je suis un cas unique, ils n’avaient jamais vu ça ! » clame-t-elle à qui veut l’entendre. Sa maladie n’est pas répertoriée, et cela fait d’elle une héroïne. Boites de comprimés de toutes tailles et de pastilles orange, jaunes ou violettes, alignées sagement sur son bureau comme sur un rayonnage de pharmacie, attendent leur heure, et lorsqu’elle retire sa gouttière qui la fait zozoter, elle laisse la petite boite de plastique transparent tapissée de coton, négligemment posée au milieu des livres et des papiers divers, bien visible à qui s’approcherait du bureau. Elle est fatiguée, elle a mal partout, elle travaille trop, elle a besoin de vacances. Tel est son credo journalier.
Faudrait demander à Lal sa recette de tuiles au miel pour la petite dame.
RépondreSupprimerOu à Marie celle de la ratatouille...
Oh que oui ! Ou alors celle de Magalie pour Belle-Maman !
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