J'écris. Pour un blog littéraire, il vaut mieux. J'écris de tout, pour les jeunes, les moins jeunes, des nouvelles, du théâtre, de l'humour et mes humeurs. La liste des courses, alors que d'autres dressent la liste de leurs envies... Mais je vous l'épargnerai ! La liste des courses, je veux dire. Donc, bonjour et bienvenue sur "Ah, vous écrivez ?" mon blog littéraire.
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mardi 26 janvier 2010

Un crime quelconque.

Texte paru dans le n° 13 de la revue "Pr'Ose" (printemps 2009)


—C’est fini, princesse.
La panique de Léa reflua à l’instant même où elle l’entendit. La clef tourna dans la serrure et la porte s’ouvrit. Léa ferma les yeux, éblouie par la lumière crue qui se déversa dans la pièce. Elle perçut le glissement des pantoufles sur le parquet et bientôt une main attrapa la sienne.
—Tu peux sortir maintenant. Ta punition est levée. Et que ça te serve de leçon.
La fillette ouvrit peu à peu les yeux. Son père se tenait devant elle, sur le seuil. Elle se rappela soudain le poème de Victor Hugo : « Jeanne était au pain sec dans le cabinet noir, pour un crime quelconque … ».
—Tu vois ce qui arrive aux petites filles désobéissantes, alors ne recommence plus.
L’enfant baissa la tête. Son cœur cognait dans sa poitrine.
—Allez, c’est fini maintenant. Viens faire un bisou à papa.
Son père s’approcha, lui releva le menton et se pencha vers elle. Léa sentait son haleine tiède sur son visage. Et aussi la senteur sucrée de son eau de toilette. Elle déposa un baiser rapide sur la joue tendue et esquissa un sourire.
—Là, c’est bien, princesse. Maintenant, va faire tes devoirs.
Léa sentit le nœud dans son estomac se desserrer un peu. Elle se dirigea vers l’escalier, agrippa la rampe et monta.

Léa détestait le papier peint de sa chambre. Une tapisserie de bébé. Ces ridicules nounours roses qui dansaient, le sourire figé, elle aurait voulu les voir disparaître à tout jamais. Quand elle fermait les yeux le soir, elle voyait encore et encore leur regard joyeux qui la contemplait et la poursuivait jusque dans ses rêves. Pour ne plus se sentir observée, elle avait arraché la moitié d’un lé, hier et maman s’était fâchée.
—Tu fatigues ta mère, Léa. Tu es une méchante petite fille.
L’enfant avait serré les dents sous la fessée paternelle. Pas une larme n’avait mouillé le petit visage crispé. « Léa, méchante. Léa, méchante, se répétait-elle, les muscles douloureux. » Elle savait qu’il ne fallait pas fatiguer maman. Maman, souvent couchée à cause de sa maladie. Maman …
A cette pensée, la crampe à l’estomac se fit plus intense. Léa, la gorge contractée à en avoir mal, réprima un sanglot. Elle referma le cahier ouvert sur son bureau et se leva. Un frisson la parcourut. Elle alla se rouler en boule sur le tapis. Les ombres du soir envahissaient la chambre sous les toits mais la fillette ne les voyait pas. Elle s’était endormie.

Un grincement discret la réveilla. Les yeux grands ouverts sur l’obscurité, elle attendait. Les genoux remontés jusqu’au menton, les bras repliés sur la poitrine, elle ne bougeait pas. Seule sa respiration heurtée semblait emplir la chambre de bruit. Léa pensait : « Si je reste immobile comme ça, je vais peut-être disparaître. » Elle souhaita se dissoudre dans le tapis.
Un glissement de pantoufles sur le parquet. Des effluves sucrées dans l’air. La fillette sursauta. La peur, comme la marée qui galope à toute allure pour recouvrir le sable, reflua en elle.
—Ma princesse … Où elle est ma petite princesse qui va être gentille avec son papa ?
La voix chuchotait, basse, insistante.
« Non, papa ! Non ! » Léa crispa les poings et avant de fermer très fort les yeux, elle entendit la fermeture éclair du pantalon glisser lentement. Derrière ses paupières closes, elle voyait le sourire des nounours.
En bas, maman dormait.

1 commentaire:

  1. Texte très bien écrit. On ressent toute l'horreur de la fillette et le dégout. Il y a une progression du début à la fin qui nous angoisse et les dernières lignes viennent confirmer notre peur. Malheureusement, c'est d'autant plus horrible que cela n'arrive pas qu'à la petite Léa !

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